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«J’ai décidé de ne rien cacher de mon cancer»

Vecu Anne Laure Lechat 1

«Avec celle qui était ma voisine de chambre à l’hôpital, et qui est devenue mon amie, nous allions boire des cafés en ville avec nos boules à zéro. Les gens devaient penser que nous étions soit malades, soit vraiment très rock’n’roll!»

© Anne-Laure Lechat

«J’ai repris mon travail de coiffeuse il y a deux mois, après plus d’un an d’arrêt. J’avais quelques appréhensions. Comment allais-je gérer les douleurs dans les bras et dans le dos, conséquences de mon opération? Allais-je être capable de supporter les bouffées de chaleur et les coups de fatigue dus à l’hormonothérapie que je vais devoir suivre pendant encore cinq ans pour limiter les risques de récidive? Toutefois, à ma plus grande joie, j’ai vite repris rythme et confiance. Mieux encore, cette épreuve a renforcé ma vision de la vie: il faut parler. Toujours. Encore. Je suis sans grand secret, assez transparente sur ce que je pense et ressens. J’ai choisi dès le départ de ne rien cacher de ma situation. J’ai aussi cherché tout de suite la stratégie la plus efficace pour que mes deux enfants de deux ans et demi et quatre ans et demi comprennent les choses et subissent le moins possible le poids de cette épreuve qui allait tout bouleverser.

«Comme un petit grain de riz»

Ma vie a basculé en octobre 2016. J’avais trente-trois ans et j’étais en plein chambardement professionnel. Après six ans passés dans le même salon, j’avais démissionné et trouvé un autre job que j’allais commencer dès la fin de mon préavis. Trois jours après l’annonce de mon départ, je sens une petite grosseur, comme un grain de riz, sur le haut de mon sein gauche. Pour moi, rien d’inquiétant. Je pense à une petite infection et je veux juste faire soigner ça le plus vite possible afin de commencer mon nouveau travail dans les meilleures conditions. Je prends donc rendez-vous avec une gynécologue qui me pose beaucoup de questions sur mes grossesses, si j’avais allaité ou non, puis me prescrit une mammographie et une échographie de contrôle quelques jours après.

Là, l’examen tire en longueur et je commence à m’inquiéter. Au radiologue qui procède à l’ultrason, j’ose poser LA question: «Est-ce que c’est un kyste?» Il me répond simplement: «Non.»

Et me voilà en blouse pour une IRM et une biopsie. Là, je réalise que les choses vont être plus compliquées que prévu. Pendant quarante longues minutes, immobile dans l’appareil d’imagerie médicale, je réfléchis à tout. A mes enfants, à mon compagnon, à mes parents, aux finances, aux assurances, aux franchises… à la perte de mes cheveux, à la cicatrice. A la mort aussi. Et là, les techniques de méditation auxquelles je me suis initiée depuis quelques mois me sauvent. Je m’autorise à penser à tout et je commence dès cet instant à accepter ce qui m’arrive.

A 9 ans, elle se rase la tête pour soutenir son frère, atteint d'un cancer

Mettre des paillettes

Après ça, je suis rentrée chez moi et j’ai attendu des résultats qui ne venaient jamais. Enfin, une fois le diagnostic posé, on m’a dit que mon cancer était agressif mais précoce. J’ai immédiatement évacué l’idée de la mort. J’allais m’en sortir. Mon compagnon, qui est médecin, ne paniquait pas.

Ce jour-là, comme pour conjurer le sort et prouver que la vie allait continuer, il m’a demandée en mariage. Le soir, on a fait une photo de famille avec nos deux enfants, comme pour marquer le début de ce combat.

Le plus dur a été de l’annoncer par téléphone à mes parents qui vivent en France, à mille kilomètres. Mon père est resté quasi sans voix. Ma mère parlait sans interruption de manière incohérente, comme pour ne pas laisser place au silence. Ils se sont tout de suite organisés pour nous rejoindre et être à nos côtés dans cette période particulière. Mes nouveaux employeurs, dont je redoutais la réaction, ont aussi été compréhensifs. Ils feraient leur possible pour m’aider et surtout, ils m’attendraient le temps qu’il faudrait. Cela m’a énormément rassurée.

Le cancer du sein en 14 infographies

Rapport au corps expérimental

J’ai tout de suite été prise en charge au Centre du sein du CHUV où le professeur m’a dit: «Vous montez sur le bateau et c’est nous qui pilotons. On va vers la guérison.» La première étape a été l’ablation du sein, car j’avais en fait deux petites tumeurs de six et quatorze millimètres. Même si c’était difficile, j’ai accepté cette opération. Mon compagnon m’a montré des photos sur internet après avoir sélectionné, à ma demande, les moins traumatisantes. J’ai regardé aussi des images de reconstruction. Pendant cette période, j’ai entretenu avec mon corps une sorte de rapport expérimental. Le jour J, j’étais quand même assez stressée.

A l’hôpital, ma voisine de chambre était plus jeune que moi et n’avait pas encore d’enfant. J’ai eu aussi de nombreux rendez-vous: des tests génétiques pour vérifier si j’avais développé cette maladie en raison d’une prédisposition familiale; des entretiens pour aborder les questions juridiques et financières; d’autres pour voir si je souhaitais congeler mes ovules afin d’avoir encore des enfants. C’est à ce moment-là que j’ai mesuré ma chance d’être déjà deux fois maman.

Récit: «Mon Rose bonbon», mon combat contre le cancer du sein

La guerre des tétons

En janvier, j’ai commencé les chimiothérapies. Tout le monde se relayait pour m’accompagner à tour de rôle. Des copines amenaient mes enfants au ciné ou au parc. En attendant que le produit se diffuse, j’ai dévoré La guerre des tétons, trois BD publiées par la blogueuse Lili Sohn qui raconte son cancer à travers de petits dessins pleins d’humour. Comme elle, ils m’aidaient à «mettre des paillettes dans le caca».

J’ai subi tout ça entourée d’amour, affichant sans complexes mon crâne nu.

Avec celle qui était ma voisine de chambre à l’hôpital, et qui est devenue mon amie, nous allions boire des cafés en ville avec nos boules à zéro. Les gens devaient penser que nous étions soit malades, soit vraiment très rock’n’roll! Et puis, j’ai entamé une reconstruction mammaire en plusieurs étapes avec un magnifique résultat. Restent encore la reconstruction du mamelon et le tatouage de l’aréole qui vont avoir lieu dans les semaines à venir. A Noël dernier, nous avons refait la même photo que celle du jour de l’annonce. Comme pour mettre un point final à tout ça.

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