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«Je ne changerai pour rien au monde ma vie à l’alpage»

«Je ne changerai pour rien au mode ma vie à l’alpage»

Monika, 50 ans, fabrique deux tonnes de fromage durant la saison d'été qu'elle passe à l'alpage.

© Corinne Sporrer

C’est un endroit qui fait désormais partie de mes racines. Je suis originaire de Reckingen, mais je viens dans cet alpage à Gletsch, plus haut dans la vallée de Conches (VS), depuis les années 1990. Issue d’une famille d’agriculteurs, la terre me tient à cœur et a toujours été essentielle dans ma vie. Mon mari et moi avons pris l’alpage en fermage lorsque nous nous sommes mariés. Le canton est propriétaire du terrain, mais auparavant d’autres exploitants s’en occupaient. Ils n’avaient pas assez de lait pour fabriquer le fromage, alors ma famille, qui possédait déjà un domaine agricole et des vaches, en a fait monter une pour les soutenir. Ils en ont envoyé une, puis deux et ainsi de suite chaque été. Comme j’étais intéressée, je montais de temps en temps.

La possibilité de reprendre s’est présentée, alors nous l’avons saisie. Avec le temps je m’étais attachée à cette région. C’était aussi pour moi l’opportunité de mettre en œuvre mon savoir-faire en développant ce projet. En effet, j’ai fait un apprentissage de fromagère. Je ne voulais pas seulement tenir la maison et m’occuper des enfants. Je fabrique donc du fromage d’alpage depuis vingt ans. Mais depuis le décès de mon mari il y a neuf ans, je m’en occupe seule.

Prendre en charge un alpage est une tâche considérable. J’ai l’impression que les gens ne se rendent pas compte que c’est réellement du travail. Ils se disent que faire du fromage c’est facile, qu’on s’installe pour les vacances à l’alpage et que c’est tout!

J'exerce mon métier à l'autre bout du monde

Plus qu’un travail

Tous les jours c’est la même routine. Le matin je me lève à 3 h 45. Cette année, je séjourne juste à côté, au Grand Hôtel Glacier du Rhône. Avant, je dormais dans une caravane posée dans le pré jouxtant la cabane où se trouve le local de fabrication. Deux des jeunes hôteliers se sont inquiétés que je dorme dehors, alors ils ont insisté pour que je reste à l’hôtel. Je bois un café et ensuite je file à la cave où se trouvent les fromages pour l’affinage. Je dois les nettoyer chaque jour. Cela me prend environ deux heures pour six cents pièces. Ensuite, il est temps de traire les vaches, elles sont une vingtaine. Je prends la voiture, celle que j’appelle ma Ferrari des Alpes, et je vais jusqu’à la ferme qui se situe un peu plus loin, pour la traite. Je fais cela le matin et le soir.

Après je reviens à la cabane et je produis avec le lait frais du fromage d’alpage et du sérac. Fabriquer du fromage c’est mon métier, mais c’est surtout ma passion! Le soir même, je mets la production du jour dans la cave. Le bâtiment dans lequel elle se trouve s’appelle la Maison bleue. Autrefois, elle abritait la dépendance de l’hôtel et, au début du XXe siècle, une petite centrale hydraulique y a été construite. Son nom provient du reflet bleuâtre donné par le glacier du Rhône, juste en face.

Précieux trésor

C’est dans cette cave que je conserve mon trésor. Les fromages y restent de quelques semaines à deux mois en fonction de leur taille. Dès qu’ils sont mûrs, je les vends. Par saison j’en produis quelque deux tonnes. Je reste à l’alpage environ trois mois, de juin à septembre, et à la fin de cette période ma cave est pleine. Avec le temps, les fromages brunissent et, pour moi, c’est comme s’ils se transformaient en lingots d’or. La plupart de mes clients sont des privés, des touristes, des hôtels, au village et en plaine, mais aussi quelques supermarchés de la région. Beaucoup de pièces sont déjà réservées, ainsi à la fin de l‘été tout mon stock est quasi écoulé.

Les gens viennent m’acheter du fromage spontanément dans l’après-midi. Quelquefois ils s’arrêtent simplement pour discuter. C’est parfois très mouvementé, mais les clients sont essentiels, sinon je ne serai pas là.

Le matin je suis contente que ce soit calme, je ressens une vraie quiétude lorsque je travaille, je me focalise totalement sur les vaches et le fromage. Gletsch m’a permis de rencontrer beaucoup de gens desquels je suis devenue proche. Notamment grâce au train à vapeur qui circule entre Oberwald et Realp et qui s’arrête à Gletsch. Nous sommes comme une petite communauté. D’ailleurs un des hôteliers me dit en plaisantant que je pourrais être présidente de la commune!

«J’ai quitté l'industrie du tabac pour défendre des projets responsables»

L’énergie des Alpes

Pendant le reste de l’année j’habite à Ulrichen, plus bas dans la vallée. Je descends à la maison au début de l’automne. Jusqu’à l’année dernière, j’étais toute seule pour m’occuper de l’alpage. C’était dur, car le travail s’enchaîne constamment et il est impossible de prendre des vacances. Je fonctionnais comme une machine pendant toute l’année! J’ai trois fils, dont deux viennent de terminer l’école d’agriculture et ils ont repris l’exploitation familiale. Alors ils m’aident aussi à l’alpage.

Aujourd’hui, je suis plus âgée et j’ai besoin d’un peu plus de confort, mais je ne suis ni usée ni fatiguée, je fonctionne! C’est surtout à l’automne, quand les vaches descendent et que je dois tout préparer, que je sens que j’ai bien travaillé durant l’été. Après ça, je reste encore quelques jours ici, au calme. C’est ma façon de décompresser. Grâce à mes fils, lorsque je rentre de l’alpage à la fin de la saison, je peux désormais me reposer. Je fais des randonnées, du ski en hiver. J’ai enfin du temps pour moi.

Durant l’hiver, tout cela me manque et je trépigne d’impatience en pensant à l’été suivant. Je ne me vois pas arrêter de venir ici. Tant que je serai en bonne santé et que je me sentirai assez forte, je reviendrai. Cet endroit possède vraiment une énergie positive que je ressens fortement. Quand mon mari est décédé, suite à une maladie, je suis venue à Gletsch pour me retrouver. Je devais avancer quoi qu’il arrive. Ce coin m’a permis de me focaliser sur moi-même et donné l’envie de vivre en poursuivant mon rêve d’alpage. Ici, en haut, rien ne doit être parfait. À la maison on finit toujours par subir le regard des autres si on ne s’occupe pas parfaitement de tout. La vie ici est plus libre et on est plus près du ciel!

J’ai tout quitté afin de me retrouver

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