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Après avoir grogné à l’idée de passer une journée sans mon iPhone à l’occasion de la Journée internationale du Smartphone (et oui, elle existe, c’est le 6 février, comment avez-vous pu la louper?), j’ai finalement relevé le défi. Les 24 heures sans mon «précieux» ont bien eu lieu, devant les petites mines réjouies de mes collègues qui me savent accro à la boîte noire.

La veille, il m’a tout de même fallu trouver un humain pour me réveiller. Car à l’expression «les cordonniers sont les plus mal chaussés», je réponds la fille d’horloger (moi) est la plus mal équipée. Je n’ai ni coucou, ni alarme pour me dépanner. Fort heureusement, mon homme, souvent en déplacement, était bien là, le matin du test, pour me sortir du lit à 6 h 15. Mon téléphone portable, seul et déprimé, sur le meuble de l’entrée, éteint pour l’occasion, devrait m’attendre jusqu’au lendemain.

Une fois arrivée au travail, après 50 minutes (le temps de transport de mon domicile au bureau) de regard dans le vague, et oui normalement, il est figé sur mon écran (avec le dos plié pile à 45 degrés, histoire de bien tendre mes cervicales)… Et bien, je me suis rendu compte qu’il était franchement aisé de s’en passer. Du moment que l’on travaille sur un ordinateur, je précise.

Car toute au long de la journée, j’ai pu m’informer sur l’actualité via Internet, Twitter et Facebook, conversé avec ma famille (pendant la pause, oui!) sur Hang Out (le Messenger Gmail), lire mes e-mails persos etc. J’avoue que les petits plaisirs connectés comme scroller sur Instagram, poster sur Snapchat, parler sur What’s App, tout cela m’a un peu manqué, mais sinon, j’en ai retiré finalement, un sentiment d’apaisement… En temps normal, je pense que j’attrape mon iPhone en moyenne 5 fois/heure. Peut-être bien plus?

J’ai même pris le temps de faire le test «Etes-vous accro à votre portable» en ligne sur notre site. Et je dois vous avouer à demi-mot que le résultat n’a pas été une surprise… J’ai une «relation fusionnelle» avec mon téléphone. Pourrais-je consulter pour ce problème, qui reste cela dit pour moi, tout à fait gérable? Selon le Docteur Sophia Achab, je suis hors cible. Cette dernière m’informe qu’elle voit en fait «beaucoup de jeunes filles entre 12 et 16 ans qui sont accros aux réseaux sociaux via le téléphone». Etonnant.

A la fin de la journée, mise à part une petite anxiété de manquer une info du côté de ma famille, la soirée «en mode avion» s’est bien déroulée. J’ai même arrêté d’y penser compulsivement, comme quoi l’adage «loin des yeux» peut aussi marcher pour l’iPhone. Et j'ai enfin pris le temps de m'occuper différemment chez moi et de lâcher prise sur le fil incessant de l'actualité. Une aubaine nécessaire.

Alors bien entendu, ce test a été un peu tronqué. Mon job de journaliste web/community manager est de toute façon relié à un ordinateur. Je ne dis pas que je vais la jouer comme Anna Wintour, déterrer mon Nokia 3210 tel notre unique collègue de la rédaction qui se résigne à ne pas tourner la page de la modernité digitale… Mais toute de même, j’envisage sérieusement de répéter l'expérience dans un avenir proche. Finalement, l’important ne serait-il pas comme souvent, de ne pas tomber dans les extrêmes? On fait le point avec deux expertes sur l'addiction au Smartphone.



Les avis de deux expertes

FEMINA A quoi reconnaît-on une réelle addiction au Smartphone et quels en sont les dangers?
Coralie Zumwald, Psychologue au Centre du jeu excessif, Service de psychiatrie communautaire, CHUV
Le Smartphone n’est pas en soi un objet d’addiction. Il est plutôt à considérer comme un vecteur de certaines pratiques addictives. Ce dernier nous offre en effet un accès facile, rapide, disponible en tout temps et relativement anonyme, à toutes sortes de fonctionnalités utiles et plaisantes: messagerie, réseaux sociaux etc. Parmi ces différentes pratiques, ce sont les jeux vidéo et les jeux d’argent qui motivent le plus souvent des demandes d’aide. La perte de contrôle du comportement et les conséquences négatives sont les symptômes caractéristiques de l’addiction. Si l’on se questionne sur son utilisation du téléphone portable, les questions à se poser pourraient donc être: «est-ce que de manière répétée, je recours à mon Smartphone plus souvent et plus longtemps que prévu?», «est-ce que cela a des conséquences négatives significatives dans ma vie familiale, professionnelle et/ou sociale?»

Le premier danger réside dans un désinvestissement des autres activités: retrait social, abandon d’activités de loisirs pratiquées jusque-là, désintéressement scolaire ou professionnel par exemple. Un autre danger est d’ordre financier: très souvent retrouvé dans les troubles liés aux jeux d’argent. On observe également des conséquences familiales, lorsque le temps passé devant l’écran empiète sur la qualité des relations. Dans les cas les plus sévères, on peut retrouver une inversion du rythme veille sommeil (nuits passées devant le téléphone), une négligence de l’alimentation et de l’hygiène personnelle. Il faut préciser toutefois qu’il est souvent difficile de dire si un usage excessif du portable ou des écrans en général est la cause des difficultés ou plutôt un symptôme. Dans beaucoup de situations, le surinvestissement des écrans est d’abord un symptôme d’un état anxio-dépressif ou d’une adaptation difficile à une étape de vie (typiquement l’entrée dans l’âge adulte).

Dre Sophia Achab, Médecin-Adjointe et Responsable du Programme NANT (spécialisée dans les addictions comportementales) au Service d'addictologie des HUG On reste encore dans un contexte émergeant mais qui est tout de même une préoccupation grandissante en Suisse. On remarque que les personnes qui viennent nous voir ont un réel souci à «prendre de la distance» avec leur Smartphone, la plupart nous parlent de leur vécu de manque quand celui-ci est inaccessible. Il peut s’agir d’anxiété, de troubles du sommeil, d’impact sur l’humeur mais aussi de nervosité. On peut parler d’addiction quand cela prend le pas sur la vie de la personne (professionnelle et familiale), quand le Smartphone devient l’activité exclusive et que l'autorégulation de son usage n’est plus réalisable malgré les conséquences négatives sur des sphères importantes pour le sujet. Les dangers de cet usage excessif peuvent aller jusqu’à la dépression, la sédentarité, les insomnies sévères avec un impact psychologique et un risque cardiovasculaire accru, mais aussi des troubles du développement chez l’enfant et l’adolescent.

Rencontrez-vous en consultation de plus en plus de patients pour ce problème et quels conseils leur donnez-vous?
Dre Sophia Achab Depuis environ 5 ans, on a eu une augmentation de demandes d’aide par rapport à l’usage des technologies portables. Mais je précise bien que je n’incrimine pas ces technologies, qui restent des sources importantes d’information, de communication et de loisirs. Elles peuvent dans certains cas agir comme un vecteur, qui facilite la mobilité et l’accessibilité de 24/24 h à des contenus qui peuvent faire l’objet d’un usage excessif voire addictif, tels les réseaux sociaux, les sites pornographiques, les sites de jeux et d’argents etc.

Tout d’abord, nous identifions le problème, et si besoin, nous entamons une psychothérapie. Il peut s’agir de méthodes de gestion du stress, d’entraînement à la prise de distance avec le Smartphone et à l’autorégulation de sa consommation (comme la gestion de l’envie pressante en observant que le plus souvent, elle passe au bout de quelques minutes). Quelques conseils peuvent être suivis comme le fait de supprimer le téléphone de la chambre à coucher pendant les heures de sommeil. L’idéal est de l’éteindre deux heures avant le sommeil, en évitant toute position vibreur et autres notifications qui risquent de perturber le sommeil. L’important est de retrouver du temps pour soi, être plus satisfait lors des loisirs comme dans le travail.

Que pensez-vous des détox digitales?
Coralie Zumwald Ces offres se développent surtout aux Etats-Unis et en Asie, mais je n'ai pas connaissance d'équivalents en Suisse romande. L'imposture consiste à faire croire qu'il existe une «intoxication à Internet» similaire à une addiction aux drogues, ce qui n'est absolument pas prouvé. Au delà de l'aspect marketing, si ces programmes sont conçus et animés par des professionnels de santé compétents, capables de nuancer les messages, cela peut être une initiation intéressante.

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