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«On a chopé la puberté»: la B.D accusée de promouvoir des clichés sexistes

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«Porter du maquillage, des chaussures à talons et attirer les regards concupiscents à grands coups de décolletés, c'est donc à ça que sont censées aspirer nos enfants? martèle le collectif "La rage de l'utérus". C'est bien connu c'est hyper épanouissant le maquillage, les chaussures et les décolletés pour des enfants de 9 ans.»

© Editions Milan

«Tu as 9 ans, tu es en enfin un objet sexuel»: c'est par cette phrase, publiée le 1er mars 2018 sur Facebook, que le collectif féministe «La colère de l'utérus» résume le propos de l'ouvrage «On a chopé la puberté». Scandalisé par la parution de cette B.D destinée aux jeunes adolescentes, le groupe de femmes l'a jugée «moisie de stéréotypes», et a exigé son retrait immédiat du marché. S'en suit un long texte particulièrement véhément, dans lequel sont détaillés tous les méfaits du petit livre, accusé d'être imprégné de «la culture du viol», et d'entretenir les clichés sexistes qui contribuent à dégrader l'image des femmes au sein de la société:

«C'est un festival de slutshaming où on enseigne aux enfants que c'est 'la honte' d'avoir les tétons qui pointent, que ce n'est 'pas très gracieux' (sic) et qu'on doit se cacher en empilant des tee-shirts (re sic). Et je vous parle même pas de la grossophobie quand on explique que tu peux avoir l'impression de grossir et que ouf ce n'est pas le cas, c'est juste l'élargissement de tes hanches. Manquerait plus qu'on soit grosse, le comble de la honte surement. Et puis on pourrait profiter de ce bouquin pour dénoncer le harcèlement et donner des outils pour se défendre? Non, disons leur de se cacher, c'est mieux. Histoire qu'elles comprennent bien, dès 9 ans, qu'elles ont responsables quand elles sont harcelées...»

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Retrait du marché

Le vendredi 2 mars 2018, plus de 46 000 personnes avaient signé une pétition demandant le retrait de la bande-dessinée. Accablé par les critiques qui ne cessent de déferler, l'éditeur avait d'abord tendé de relativiser, en affirmant:

«Il s’agit d’«un ouvrage documentaire au ton volontairement décalé et humoristique destiné à dédramatiser une période souvent difficile à vivre à l’adolescence. C’est un livre avec un message positif: “tout va bien se passer”. Il faut le lire en entier pour en comprendre le message».

Cependant, face à la véhémence de la polémique, Milan a finalement choisi de ne pas réimprimer l'ouvrage: sur Twitter, les internautes ont poussé un rugissement victorieux.

De «vrais conseils»

En publiant ce petit livre illustré, les trois auteures affirmaient pourtant vouloir proposer de «vrais conseils, avec beaucoup d'humour autour». En images, l'ouvrage suit le quotidien de quatre copines, qui vivent à leur façon les changements physiques qu'entraîne la puberté. Les thèmes des règles, des poils, des seins et des odeurs corporelles y sont donc ouvertement explorés, tandis que chacune des héroïnes présente son propre point de vue, et sa manière de gérer les boulversements survenus. L'une d'entre elles estime par exemple que le fait de réaliser que ses tétons «pointent», peut mener à des sentiments de «honte»...

Par ailleurs, l'un des conseils prodigués a notamment indigné un grand nombre de lectrices. Lorsque l'une des héroïnes aborde le développement de sa poitrine, elle se voit répondre: «Grâce à tes seins [...] tu as enfin attiré l'attention du bel Ethan, dont tu es secrètement amoureuse depuis la maternelle». D'autres ont également pointé du doigt un passage où un personnage indique que le fait de se tenir droite permet de «faire paraître les seins plus gros».

Furieuses, les membres du collectif de «La rage de l'utérus» renchérissent:

«Porter du maquillage, des chaussures à talons et attirer les regards concupiscents à grands coups de décolletés, c'est donc à ça que sont censées aspirer nos enfants? C'est bien connu c'est hyper épanouissant le maquillage, les chaussures et les décolletés pour des enfants de 9 ans. Notre but à toutes dans la vie c'est d'être belle, d'avoir des Louboutins et des gros seins pour plaire aux garcons. **spoiler** non. Les filles n’existent pas pour plaire aux garçons, ce sont **spoiler** des personnes, si, si ! Et alors quoi, on pourrait plaire seulement aux garçons et que si on a des gros seins?»

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La réponse des auteures

Destinées à dédramatiser ces petits désagréments et à rassurer les jeunes lectrices sur la «normalité» du phénomène, les recommandations offertes par les personnages ont pourtant déplu à un bon nombre de lectrices, qui n'ont pas hésité à le faire savoir, via les réseaux sociaux. D'ailleurs, le fait que ces propos aient été rédigés par trois femmes semble les courroucer par-dessus tout. Même la dessinatrice Emma a tenu à esquisser une réponse à la polémique:

Contactées par le «Huffington Post», les éditions Milan ont partagé les propos des trois auteures, qui ont tenu à s'expliquer:

«Tout le principe de cet ouvrage est de donner des informations et des conseils mais de façon humoristique. Pourquoi? Parce qu'on a rien inventé de mieux que l'humour pour prendre de la distance par rapport à soi-même, pour créer un décalage qui permet de soulager ses inquiétudes. Nous sommes parties de vraies questions que nous avons entendues de la part de jeunes filles. Le mécanisme des stéréotypes étant un processus insidieux, il se peut que des filles aient – et on peut le déplorer – déjà intériorisé certains stéréotypes, par exemple la nécessité qu'il y aurait pour une fille de soigner son apparence, d'être séduisante. Pour autant, il faut entendre et répondre à ces questions tout en essayant de "désamorcer" les clichés. Une fille qui demande "comment mettre mes seins en valeur sans trop attirer les regards" a le droit qu'on lui réponde. Ce qui serait moyenâgeux pour le coup ce serait de lui dire «cache tes seins, voyons!" Toutes les filles et les femmes ont le droit d'être fières de leurs seins, de les aimer, de s'aimer.»

L'illustratrice Emma rappelle que les femmes ont le droit d'être en colère

Une question d'interprétation?

Au coeur du débat, les voix sont loin de s'aligner sur la même opinion: certains accusent les signataires de la pétition de n'avoir pas lu le livre, tandis que d'autres y voient une flagrante exagération de la part du collectif «La rage de l'utérus». Dans un long édito, le site «Madmoizelle» tente de relativiser et nous conseille subtilement de prendre un pas de recul face à ce qui se lit sur les réseaux sociaux. Le site «ActuaLitté» se demande même si l'interprétation de lecteurs adultes ne «fausserait» pas un propos destiné aux 9-13 ans. La question est délicate, ainsi que le sont toutes les discussions. Quoi qu'il en soit, le débat est très loin de s'essouffler.

L'avis de Sanya, 14 ans

«On appréhende tous la puberté. On a tous milles et une questions. Et est-ce que ce livre nous aide? Non, je ne pense pas. Je pense que l’ouvrage nous fait plus peur que de nous mettre en confiance. Après, soyons honnêtes ce bouquin ne parle pas de viol. Il ne faut pas exagérer les faits. Par contre, je pense que le livre est sexiste. Il ne met pas du tout les hommes en avant. Mais ce n’est qu’un livre, il me semble excessif de faire des pétitions juste pour ça. Tandis que c’était parti d’une bonne intention. Je pense que si personne en avait parlé, ça n’aurait jamais fait un aussi grand scandale. Je crois juste que les gens ont suivi les autres pour faire une polémique de plus. Il y a des parents pour qui ce type d’enseignement va très bien. Alors, je pense que les parents à qui ce livre ne convient pas n’ont juste pas à l’acheter et l’éditeur devrait s’abstenir d’en republier.»

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